samedi 15 novembre 2014

Préambule au prochain article - les lois scientifiques

Au 19ème siècle, on tenait la loi de la gravitation universelle de Newton pour certaine, car elle avait confirmé la plupart des faits pendant 300 ans. Aussi bénéficiait-elle d'une confiance quasi absolue jusqu'à sa remise en cause par la loi de la relativité générale d'Einstein qui est une théorie relativiste de la gravitation.

De même, le modèle de Kepler rendait presque parfaitement compte du mouvement des planètes et on le tenait pour certain jusqu'à sa remise en cause par Newton.
La différence en ce qui concerne la description des mouvements du système solaire ne réside que dans le fait que les lois de Kepler considèrent les masses des planètes comme négligeables par rapport à celle du soleil, ce qui est, la plupart du temps mais pas toujours, une bonne approximation.

Le modèle de Kepler (héliocentrique, mais mouvements elliptiques des planètes) avait lui-même remplacé celui de Copernic (héliocentrique, mais orbites circulaires des planètes).

Ce dernier avait lui-même remplacé le modèle géocentrique du savant grec Ptolémée.

Comme indiqué dans un article précédent, le modèle géocentrique de Ptolémée rendait relativement bien compte du mouvement des planètes, c'est pourquoi, en dehors de la résistance de l'église catholique, il fût long à remettre en cause. Et puis, Copernic ne pouvait expliquer que l'on ne sente rien si la terre tournait sur elle-même et autour du soleil. (Il fallut attendre le principe d'inertie de Galilée pour expliquer ce paradoxe)

Lorsque j'étais petit, je croyais, comme les alchimistes, que la science permettait de découvrir les lois qui gouvernent le monde. Ma naïveté me faisait penser que de telles lois existaient. Il faut reconnaître que le terme "lois de la nature" est extrêmement trompeur.
J'ai bien sûr découvert depuis qu'aucune loi ne gouverne la nature.
Les "lois" scientifiques n'existent que dans notre cerveau. Elles nous servent à simplifier le monde, à l'apprivoiser, à l'appréhender, mais le monde, lui, est tel qu'il est: bien trop complexe et imprévisible pour se laisser gouverner.

Prochain article: à paraître demain.

8 commentaires:

  1. J'aime bien ce préambule, surtout sa conclusion, c'est quasi spinoziste, quoique si on pousse jusqu'au bout la même conclusion s'applique aussi à nous : nous sommes bien trop complexes et imprévisibles pour nous laisser gouverner.

    Bon vivement qu'on saute ce piège cognitif de l'induction ;)

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    1. Ok je publie demain alors ;-)
      Et évidemment que la conclusion d'applique à nous, puisque nous faisons partie du monde.

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  2. Effectivement, "loi de la nature" est un terme abusif voire présomptueux. Mais on ne peut pas reprocher aux scientifiques d'essayer de créer des modèles prédictifs.
    Grâce à ces lois, je sais par exemple que si je lance une pomme à 45° avec telle vitesse initiales, elle a de fortes chances avec la force de gravitation et son coefficient de pénétration dans l'air de retomber...là.
    En fait, que j'utilise la loi de la gravitation de Newton pour ma pomme, ou bien celle de la relativité générale, je ne constaterai probablement pas la différence. Ce qui ne signifie pas que c'est Newton qui gouverne ma pomme ni même Einstein. Par contre, Newton a quelques prédispositions pour se la prendre sur le coin de …la pomme. Imprévisible dites-vous, Gibus et toi. ?
    En fait le mouvement de ma pomme n’est pas si imprévisible que ça.
    Je ne désespère pas qu'on découvre un jour qu'Einstein n'avait pas tout à fait juste. Il n'empêche que sa théorie de la relativité nous permet non pas d’expliquer les choses mais surtout de modéliser les choses. Même si la courbe de rotation des galaxies spirales va à l’encontre de la théorie d’Einstein et qu’on est toujours confronté à l’anomalie Pioneer.

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    1. @Marc: je suis tout à fait d'accord avec ton concept de "modèles descriptifs" (j'utilise descriptif plutôt que prédictif volontairement).
      Dans cette série d'articles, je ne reproche rien aux scientifiques, bien au contraire, mais je tente de démontrer qu'il n'existe pas de "lois de la nature" car la nature est trop complexe, et que les lois scientifiques ne sont pas définitives.
      Einstein lui-même croyait qu'il existait des "lois de la nature" et c'est la raison pour laquelle il a toujours combattu la mécanique quantique (à laquelle il a pourtant grandement apporté): il ne pouvait se résoudre à croire que les particules quantiques puissent ne pas suivre des lois déterministes. Il croyait qu'il existait des variables cachés, ce qui l'a amené à énoncer le paradoxe EPR, car déclarait-il: "Dieu ne joue pas aux dés".
      La différence entre "modéliser" et "croire qu'il existe des lois de la nature" change notre point de vue sur le monde.

      La croyance que je tente d'ébranler dans cette série d'article, c'est justement que "le modèle n'est pas la réalité", car croire que le modèle EST la réalité, peut amener à de graves erreurs comme celle de penser que le cerveau fonctionne comme un ordinateur (voir l'article "la machine molle") ou que le QI est une mesure de l'intelligence (voir l'article "l'émotion")
      On pourrait croire que cette croyance est inoffensive, pourtant, elle a amené maintes entreprises à généraliser les tests de QI sous prétexte de "rationaliser" les recrutements et elle a amené le corps médical à croire qu'un patient atteint d'un AVC était définitivement bon à jeter.

      Bref, cette croyance s'habille des atours de la "rationalité", mais elle n'est souvent qu'une excuse pour ne pas s'embarrasser de la complexité du monde, et des questions humaines.

      Dans ton exemple, la modélisation consiste à considérer que la pomme est un projectile, ce qu'elle peut être, mais elle est aussi un écosystème complexe, qui nourrit les abeilles lors de la floraison, puis les insectes dits "nuisibles" pendant la période de croissance et enfin des asticots à la fin de la saison. Bref, la pomme N'EST PAS un projectile, mais pour déterminer sa trajectoire, la plupart du temps, c'est vrai, on s'en fout. :-)

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  3. je suis assez d'accord avec Marc, c'est plus à mon sens une question de sémantique qu'autre chose. Que veut-dire "loi de la nature" ? l'éternel Graal d'une équation simple et quasi christique (E=MC2 ?) qui pourrait expliquer le passé, le présent et l'avenir de l'Univers) ? alors oui c'est une chimère. A bien des égards : la théorie du chaos, le subjectivisme, l'aspect jamais définitif des modélisations etc etc. Pour moi, ce sont plus des modélisations de la nature, certes subjectives puisqu'à notre usage uniquement, jamais parfaites, souvent partielles dans leurs domaines d'applications mais généralement en progression (il peut y avoir des détours) qui permettent de rendre compte du réel (modélisation) et de modéliser un tant soi peu (cad réduire le champ des possibles (ou des impossibles) l'avenir). C'est à la fois peu (ça calme l'Ubris) et beaucoup ....
    Pour répondre à Gibus, sur NOUS, ça s'applique, bien entendu. Les sciences dites humaines font partie du tableau, la science économique par exemple ou encore la socio. Elles aussi modélisent, progressent, permettent de comprendre ou de prévoir. On peut même en tirer quelques conclusions économiques en se basant que quelques intangibles grossiers : la quête hédoniste au moindre coût (+ de plaisir en en fichant le moins possible) ou encore le besoin de gagner plus que son beau-frère (cas particulier du "pissing contest"). Mais il y a toujours des variables qui pourrissent la vie comme l'altruisme ... pff ... pas moyen de modéliser en paix !!!
    Ceci étant là encore pour Gibus, on ne peut pas prévoir ce qu'il y a dans la tête des individus mais les experts électoraux (et surtout en tripatouillage électoral) savent comme un canton (somme de X individus incertains) va se comporter électoralement. Un peu comme Boltzmann et les gaz : à défaut de connaître les trajectoires des particules, on peut connaître assez bien le comportement d'un ensemble de particules. On connaît mal ce qu'il y a dans la tête des Alsaciens (non au référendum de fusion des départements ?) mais assez pour savoir qu'ils votent "conservateurs" depuis 2 siècles .... magique, non ?

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  4. Je suis plutôt agnostique sur ces questions mais j'aime beaucoup ce sujet :)

    A première vue, il parait assez invraisemblable que la nature soit gouvernée par des lois. Mais d'un autre côté, je ne peux pas me défaire de l'idée que la nature est structurée, et que cette structure est indépendante des observateurs. Je parle ici du monde qui peut être accédé par nos sens et par la logique, directement ou indirectement, car ce qu'il y a au delà ne m'intéresse pas.
    Je cherche donc une position intermédiaire, entre huméanisme et platonisme mathématique.

    Peut-être faut-il chercher du côté de l'existence de biais dans la méthode scientifique, qui tendrait d'elle même à construire des lois de la nature telles que nous les connaissons :

    - Le biais historique : les mathématiques sont très pratiques pour produire des théories à la pelle. Par exemple : "puisque X+Y=Z dans le cas (1) et que Z=m-X dans le cas (2), est-ce qu'on aurait pas aussi 2X+Y=m dans le cas (1) ?". L'écrasante majorité de ces propositions générées par les mathématiques ne décrit pas bien nos observations de la nature, mais par chance certaines d'entre elles fonctionnent correctemment. Comme c'est notre seul outil de prospection théorique depuis plusieurs siècles, il n'est pas surprenant de retrouver des mathématiques partout. Voir "Mathematics and Scientific Representation" de Pincock sur ce sujet. Ça n'explique pas pourquoi il y a des lois, mais ça peut contribuer à expliquer pourquoi celles que l'on a trouvées sont mathématiques (et on peut débattre sur le fait de savoir si des lois de symétrie ou de conservation sont nécessairement mathématiques).

    - Le biais anthropique dans des multivers : on existerait dans l'une des "univers-branches" où les objets sont (par chance) agencés d'une manière compatible avec la vie.

    On peut aussi simplifier le problème, sans le résoudre complètement, en considérant que les lois émergent sur des objets plus simples, comme des simples connexions entre propriétés physiques, au prix de quelques engagements ontologiques.

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    1. Bonsoir Hadrien,
      Merci pour vos nombreux commentaires de ce jour sur ce blog.
      Les lois mathématiques fonctionnent la plupart du temps, mais elles ne sont qu'une approximation de la réalité, une modélisation de notre cerveau, qui n'a d'existence que dans notre cerveau, pas nécessairement dans le monde naturel.
      Un tel modèle fonctionne jusqu'à sa remise en cause (Newton par Einstein, Einstein par Bohr etc.)

      Voir cet article:
      http://pvegalnrt.blogspot.fr/2013/11/chapitre-13-le-probleme-trois-corps.html

      Or cette modélisation pose plusieurs problèmes, comme par exemple la "le problème de la sous-détermination":
      http://pvegalnrt.blogspot.fr/2014/12/la-sous-determination-des-modeles.html

      Ou alors le problème du modèle qui fonctionne... jusqu'à ce qu'il ne fonctionne plus! C'est à dire le problème de l'induction:
      http://pvegalnrt.blogspot.fr/2014/11/le-piege-cognitif-de-linduction.html

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    2. Bonsoir,

      Je pense aussi que les lois mathématiques complexes sont des constructions de l'esprit et des constructions historiques. Bien sûr ce n'est qu'une simple conviction, car ce n'est pas strictement un avis argumenté par des faits scientifiques. Le rasoir d'Occam étant inopérant en ontologie, on ne peut pas nier l'existence d'une entité métaphysique (ici : des lois mathématiques) sous prétexte qu'elle est inutile d'un point de vue scientifique.

      Il demeure que nos modèles mathématiques fonctionnent plutôt bien pour faire des prédictions, c'est donc qu'il y a quelque chose quelque part qui empêche l'univers de s'écrouler sur lui même (je reprends une expression de Beebee "Does Anything Hold the Universe Together?", qui soutient justement le contraire). C'est le fameux "no-miracle argument".

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